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11 juin 2011 6 11 /06 /juin /2011 07:44

un texte de Claude Duneton qui peut nous faire réfléchir proposé par Gérard De Vecchi sur le site


http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/Programmes_Vecchi2.aspx

 

« Un flic, l'autre jour, me fait signe d'arrêter ma voiture. Je me gare au bord du trottoir ; il s'approche.

Quelque chose le chagrine ; c'est la plaque avant qui est dévissée. Je sais, elle pend de traviole au bas du capot. Je fais semblant d'aller voir, je m'étonne :"Tiens !... elle a dû se dévisser en roulant !..."

Je tripote le bout de tôle, le coince. Je fais le maladroit. Lui, il ne répond pas. Il tourne autour de la vieille 2 CV comme un savant autour d'un problème. Il laisse tomber d'un ton narquois, sûr de lui, pas pressé :

"Et le rétroviseur ? Il s'est dévissé en roulant, lui aussi ?..."

C'est vrai, le rétro, j'avais oublié... Me voilà dans de beaux draps ! J'ai l'inquiétude des grands coupables ; à la façon dont il se penche sur mes pneus, plus très neufs, je me sens l'estomac pincé. Je me sens voleur, fripouille, galopin... ça a l'air grave ; il hoche la tête, me fait languir. Encore un petit tour, l'œil traînard, puis :

"Vous avez les papiers du véhicule ?

Oui, oui !..."

Je suis content, je les ai. Je m'affole aussi, je les cherche. Je tâte la veste, je fronce le sourcil... Il attend.

Soudain, j'ai la sensation du déjà vécu. Il me toise d'un air que je connais bien, et la façon dont il a dit : "Et le rétroviseur ?"... Ce ton de lassitude hautaine, en fond de ricanement ? Mais oui ! C'est exactement le ton d'un instituteur qui inspecte : "Et ton cartable ? Tu appelles ça rangé, toi ?" Mon inquiétude prend corps, comme s'il allait me filer cent lignes. J'en suis à la troisième poche. Je les ai pourtant pris, les papiers ! J'esquisse un sourire penaud... ça va venir... Je les sens, là, coincés dans la doublure... Ça y est : "Voilà !"

Je les lui montre. Je déplie avec obligeance le porte-cartes en éventail. Il ne bouge pas un doigt. Un petit signe de tête, il a la superbe qu'il faut :

"Sortez-les moi".

Comme on dit : "Enlève ton buvard" - la même ambiance.

Le type est tout jeune, vingt-quatre, vingt-cinq ans, pas plus. Ces manières-là il ne les a pas inventées. Ça me frappe comme une révélation : il est en train d'imiter son ancien maître d'école ! Tout y est : le maintien, le sarcasme [...]

Alors, maintenant qu'il est flic, le seul ton qu'il sache prendre pour faire sentir son autorité, le seul qu'il connaisse, c'est celui des enseignants qui l'ont humilié. Il reprend le rôle, il me le ressort tel quel, en imitation parfaite, sans nuances. Mise à part la baffe, mais c'est bien parce que la rue est tranquille... Il sort calmement son carnet à souches et rédige ma punition.

On dit que les profs ont des manières de flic ! Quelle erreur ! Il suffit de réfléchir deux minutes : ce sont les flics qui ont adopté nos manières. »

 

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A vos plumes pour les commentaires...

 

 

 

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  • : Réflexion et recherche sur le cours de morale non confessionnelle de l'enseignement primaire
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